Trois conditions cumulatives sont nécessaires pour caractériser la matérialité infractionnelle du faux en écriture.

Par Jean-Claude Renard et Faudil Saadi
Avocats au Barreau de Bruxelles

Le faux en écritures est une infraction pénale qui porte sur la falsification d’un écrit dans le but de travestir la volonté de l’auteur du document. Le faux est dit “intellectuel” lorsqu’il découle d’une construction de l’esprit altérant la vérité sans falsifier un écrit.

Le faux en écritures sanctionne un comportement se rencontre fréquemment dans la pratique.

Prenons l’exemple de Mr. X, gérant et associé unique d’une société commerciale en difficultés financières. Mr. X souhaite continuer de gérer la société mais craint de voir sa responsabilité de gérant engagée en cas de faillite. La tentation est grande pour Mr. X de céder ses parts sociales à un tiers, Mr. Y, qui accepterait d’être désigné gérant en lieu et place de Mr. X moyennant un paiement de 2.000 euros, alors que Mr. X gérerait toujours, dans les faits, la société.

Mr. X convoque alors une assemblée générale extraordinaire actant la démission de son mandat de gérant et la nomination de Mr. Y. La rédaction du procès-verbal actant la démission de Mr. X et la nomination de l’homme de paille est constitutif d’un faux en écriture “intellectuel“.

En effet, le Code pénal, couplé à la jurisprudence, imposent la réunion de trois conditions cumulatives caractérisant la matérialité infractionnelle du faux en écriture : – l’altération de la vérité, par un des modes prévus par la loi, – portant sur un écrit protégé par la loi, – et causant un préjudice ou pouvant causer un préjudice.

L’altération de la vérité découle de la rédaction d’un procès-verbal exprimant un changement de gérant apparent, alors qu’en réalité, Mr. X gère toujours la société. L’écrit protégé par la loi est le procès-verbal d’A.G. qui bénéficie de la confiance publique. Le procès-verbal est susceptible de causer un préjudice aux tiers en ce que le gérant véritable, Mr. X, qui engage sa responsabilité pour les actes de gestion posés pour le compte de la société, est dissimulée par l’interposition d’une autre personne, Mr. Y, insolvable et souvent non localisable.

Dessein de nuire ou frauduleux

Outre l’élément matériel, la partie poursuivante devra démontrer que Mr. X, au moment de la réalisation du faux, était animé par un dessein de nuire (volonté de nuire à un personne physique ou morale) ou une intention frauduleuse (volonté de se procurer un avantage illicite c.à.d. que l’on aurait pas obtenu sans le faux). C’est l’élément intentionnel de l’infraction.

En l’occurrence, Mr. X a l’intention de se procurer un avantage illicite, c’est-à-dire la volonté de soustraire son patrimoine personnel de tout risque de condamnation en responsabilité pour faute de gestion. Par ailleurs, la commission d’un faux en écriture est souvent suivie dans le temps par la commission d’une infraction distincte dite d’ ” usage de faux “, soit l’utilisation du faux en écriture causant un préjudice ou susceptible de causer un préjudice. La publication du procès-verbal d’assemblée générale aux Annexes du moniteur belge constituerait, dans notre cas d’espèce, une infraction distincte d’usage de faux.

Le faux en écriture peut se décliner sous différentes formes.

Songeons aux comptes annuels, soit ceux dans lesquels on falsifie dans le bilan des indicateurs financiers afférents à la solvabilité, ou encore où l’on diminue fictivement le compte de résultats. Il s’agit de cas de surévaluations d’ actifs et de sous-évaluation du passif.

De même, des opérations comptables peuvent être enregistrées alors qu’elles ne correspondent pas à la réalité économique comme des factures à établir qui sont ristournées ultérieurement par une note de crédit afin de gonfler temporairement le chiffre d’affaires.

L’exactitude des comptes annuels relève du mirage

Il est bon de garder à l’esprit la maxime du professeur Pierre Van Ommeslaghe pour qui la notion d’exactitude des comptes annuels relève du mirage, insistant ainsi sur le caractère relatif de l’exactitude des comptes, sans pour autant vouloir justifier le comportement illicite source du faux.

Pensons aussi aux comptes de régularisation ou des travaux en cours dont le contenu peut être manipulé pour ne pas faire apparaitre des pertes d’exploitation. Ou encore, l’omission volontaire de valeurs affectant le résultat de l’entreprise. A cet égard, il est bon de garder à l’esprit la maxime du professeur Pierre Van Ommeslaghe pour qui la notion d’exactitude des comptes annuels relève du mirage, insistant ainsi sur le caractère relatif de l’exactitude des comptes, sans pour autant vouloir justifier le comportement illicite source du faux.

Outre un emprisonnement de 5 à 10 ans, le faussaire peut, en outre, être condamné à une interdiction d’exercer un mandat d’administrateur, commissaire ou gérant d’une société pendant une durée de 3 à 10 ans. Rappelons aussi qu’il existe une cause de justification développée par la jurisprudence : c’est l’état de nécessité.